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La démondialisation entre dans le lexique politique français

La
démondialisation entre dans le lexique politique français




La
première étape, dans une lutte sociale, est d’identifier son
adversaire. Ce n’est pas toujours facile. A première vue, ce peut
être la direction d’une entreprise, un gros propriétaire terrien,
un gouvernement local, national, etc. Mais, dans certains cas,
l’interlocuteur patronal n’est pas le véritable décideur.
Celui-ci, dans le cas d’une multinationale, peut se trouver à des
milliers de kilomètres et être totalement insensible à quelque
pression que ce soit.




Il
existe cependant un point commun à la quasi-totalité des luttes :
elles ont face à elles non pas seulement des individus et des
structures, mais les logiques d’un système global. C’est le très
grand mérite des Forums sociaux mondiaux, – à partir de celui de
Porto Alegre au Brésil en janvier 2011 – d’avoir fait prendre
conscience à des mouvements sociaux géographiquement éloignés les
uns des autres, et de nature très différente, que, en dernière
instance, c’est ce système – le néolibéralisme – qui était
leur même oppresseur sur les quatre continents. Dès lors, il
importait également de trouver un terme unificateur pour l’ensemble
des résistances. En français, c’est le mot « altermondialisme »
qui s’est imposé dans le champ politique il y a une dizaine
d’années.




L’altermondialisme
désigne la nébuleuse mondiale d’organisations et de réseaux qui
se sont reconnus d’une manière ou d’une autre dans le slogan des
Forums sociaux mondiaux,
« Un autre monde est possible »,
repris de l’association Attac (créée en France en juin 1998) qui
l’avait elle-même emprunté au titre d’un article d’Ignacio
Ramonet dans
Le Monde diplomatique de mai 1998.




« Altermondialisme »
a succédé à « anti-mondialisme », concrétisant le
passage d’une posture de simple refus de la mondialisation libérale
à la mise en avant de politiques alternatives. Une façon de
démentir le fameux TINA
( There is no alternative) de
Margaret Thatcher.




En
janvier 2008, la revue française
Utopie critique et Mémoire
des luttes ont proposé le concept de « post-altermondialisme »
1
pour désigner les articulations possibles entre mouvements sociaux,
partis et gouvernements progressistes sur des objectifs précis,
comme la lutte contre le changement climatique. Le Sommet de la Terre
de Cochabamba, convoqué par le président bolivien Evo Morales en
2010, en a constitué un bon exemple. Le post-altermondialisme ne
s’oppose pas à l’altermondialisme : il en est seulement un
des prolongements possibles.




Un
nouveau concept de la même filiation a récemment fait irruption
dans le lexique politique français : celui de
« démondialisation »
(deglobalization). Il est
porté par au moins trois livres récents : celui de Georges
Corm,
Le Nouveau Gouvernement du monde (La Découverte,
2010) ; celui de Jacques Sapir,
La Démondialisation (Seuil,
2011) ; et celui d’Arnaud Montebourg,
Votez pour la
démondialisation
, préfacé par Emmanuel Todd (Flammarion,
2011).




Ces
deux derniers auteurs font remonter le concept au Philippin Walden
Bello, dans son livre publié en 2002
Deglobalization :
Ideas for a New World Economy
. En fait, il avait déjà été
proposé par l’auteur de ces lignes dans un article publié en
novembre 1996 « Et maintenant… démondialiser pour
internationaliser », publié dans le n° 32 (novembre 1996) de
Manière de voir, publication bimestrielle du Monde
diplomatique
. A l’époque, personne n’avait repris cette
proposition
2.
Les mots doivent attendre leur heure…




Par
un de ces paradoxes dont l’histoire fournit de nombreux exemples,
on doit l’installation de ce terme « démondialisation »
dans le débat public français non pas aux altermondialistes, mais
à un dirigeant du Parti socialiste (PS) français, Arnaud
Montebourg, qui en avait fait l’axe principal de sa campagne des
élections primaires organisées en octobre 2011 pour la désignation
du candidat de son parti à l’élection présidentielle de 2012.




Montebourg
ne remporta pas cette élection, mais il obtint néanmoins un très
bon score. Du coup, le thème de la démondialisation a cessé
d’être confiné aux débats au sein de la gauche critique pour
prendre place dans le panorama électoral national et acquérir ainsi
une légitimité et une respectabilité politiques dépassant le
cercle des convaincus. C’est là une avancée très importante.
Elle brise le consensus social-libéral au sein d’un parti
social-démocrate comme le PS, et elle contraint les autres
dirigeants à se déterminer par rapport à la mondialisation
libérale.




De
manière étonnante, cette avancée n’a pas été saluée comme
telle par une partie du mouvement altermondialiste français,
notamment au sein de l’association Attac. Il semblerait que
certains aient craint que la démondialisation ne se substitue, comme
thématique centrale et fédératrice, à l’altermondialisme,
concept sur lequel Attac détient un quasi monopole.







Il faut cependant regarder les
choses en face : l’altermondialisme est un concept
fourre-tout dans lequel on englobe tous les organisations et
mouvements présents dans les Forums sociaux ou les grandes
manifestations internationales, mais avec des degrés d’implication
très variables selon qu’il s’agit d’un syndicat, d’une ONG
de solidarité, d’une coordination de mouvements indigènes ou d’un
collectif féministe.







Le mouvement alter
fonctionne comme une sorte de rame de métro en forme de bibliothèque
itinérante d’analyses, de coordinations de luttes et de propositions
: un tout petit nombre d’acteurs (organisations et mouvements) y
sont présents de la tête de ligne au terminus, et acceptent presque
tout le corpus réparti dans les différents wagons ; d’autres
montent à une station, s’attardent dans un seul wagon, et descendent
à l’une des stations suivantes. Chacun aura cependant fait un
petit bout de chemin dans la rame en mouvement et pourra être
considéré, souvent à bon compte, comme altermondialiste. Et cela
fait beaucoup de monde !







C’est ainsi que s’est
progressivement imposée l’idée de l’existence d’un mouvement
altermondialiste global comme acteur à part entière, indépendant
de ses composantes. Pour un citoyen ordinaire, cela devrait impliquer
un minimum de structuration et un projet spécifique ouvertement
affiché comme tel. Or le seul qui puisse en faire fonction, la
Charte de Porto Alegre de 2002, au-delà de sa dénonciation du
néolibéralisme et de l’impérialisme, est suffisamment général
pour laisser de larges marges d’interprétation.







Altermondialisme et
démondialisation ne sont pas des concepts antagoniques ; ils
appartiennent à la même famille. Dans le premier cas, il s’agit
d’un faisceau de revendications et de propositions très diverses
(en raison même de l’hétérogénéité des protagonistes) et dont
le principal dénominateur commun est l’impératif de l’accès
universel aux droits
3.
La démondialisation, elle, est une orientation stratégique visant,
par l’action aussi bien politique que citoyenne, à reprendre à la
sphère économique et financière les énormes pouvoirs que
l’instance politique lui a délibérément abandonnés, et qui sont
à la source de la crise systémique actuelle du capitalisme.







L’objectif de la
démondialisation est simple à formuler, mais difficile à atteindre
: tendre à ce que le périmètre de la prise de décision
démocratique coïncide le plus possible avec celui de la capacité
de régulation des flux économiques et financiers. En théorie, deux
solutions extrêmes sont possibles : ou bien « renationaliser » ces
flux, afin qu’ils répondent à une volonté politique nationale
exprimée par le suffrage universel – lorsqu’il existe -, ou bien
élargir à la totalité de la planète l’espace public démocratique,
afin d’exercer un contrôle effectif sur ce qui est déjà
mondialisé.







On voit bien qu’aucune de ces
positions n’est tenable dans son intégralité. D’un côté, en
effet, il existe nombre de domaines – ne serait-ce que celui de
l’environnement – qui échappent par nature au bornage des
frontières, et, de l’autre, un gouvernement mondial doté de toutes
les compétences d’un actuel exécutif national n’est guère
envisageable à terme prévisible. C’est donc sur l’ensemble des
solutions, extrêmes et intermédiaires, qu’il convient, au cas par
cas, de jouer.







Ces solutions intermédiaires
peuvent prendre deux formes. On peut, à partir des Etats constitués,
construire de l’international, c’est-à-dire mettre en commun des
fragments de souverainetés nationales sur des questions faisant
l’objet d’une délégation librement décidée, limitée, contrôlée
– et révocable dans des conditions fixées à l’avance.




L’autre terme de l’alternative
consiste à faire évoluer les cadres étatiques vers des ensembles
de souveraineté populaire plus vastes. Il ne faut cependant pas
confondre cette idée avec celle de regroupements régionaux fondés
sur le libre-échange et la « concurrence libre et non
faussée ». Ce qui fait la différence, c’est l’existence ou
non de mécanismes de régulation politique à fondements
démocratiques, susceptibles de faire contrepoids au marché.







Le néolibéralisme a défini son
terrain d’intervention : c’est la planète tout entière,
par-dessus les Etats, sans frontières d’aucune sorte. La question
est de savoir si, pour le combattre, il faut accepter de se placer
sur ce même terrain ou s’il faut en choisir d’autres. Une guerre
de tranchées ou une guerre de mouvement, voire une guérilla… Tout
est affaire de rapport de forces.







Il est évident que ce rapport de
forces est totalement en faveur des politiques néolibérales au
niveau international. C’est précisément pour le verrouiller
idéologiquement que les organisations multilatérales comme la
Banque mondiale, le FMI, l’OMC, l’OCDE, ainsi que les G7, 8 ou
20, ont été créés. Ils savent n’avoir strictement rien à
craindre d’une confrontation avec leurs adversaires à ce niveau.
Ils peuvent même se payer le luxe de « dialoguer »
publiquement avec eux, comme ils l’on fait lors de la
téléconférence-débat « Porto Alegre contre Davos »
organisée lors du premier Forum social mondial en 2001, et à
laquelle participa notamment le méga-spéculateur George Soros en
personne.







En revanche, ils ne prendront
jamais ce risque au niveau « régional », par exemple
européen – imagine-t-on un dialogue télévisé entre Carlos Ghosn
et le comité d’entreprise européen de Renault ?- et encore
moins au niveau national, c’est-à-dire là où des forces
militantes peuvent être réellement mises en mouvement
4.
Les porte-parole du capital ont parfaitement compris qu’une
contestation sociale dans un Forum mondial perdait de sa puissance au
fur et à mesure qu’elle d’éloignait de son « épicentre »,
jusqu’à n’avoir pratiquement plus d’existence lorsqu’elle
arrivait au niveau national.







A l’inverse, des luttes
sociales et politiques dans un pays donné peuvent avoir un effet de
« contagion » dans d’autres, et ainsi
s’internationaliser. C’est ce que montrent les soulèvements
arabes partis de la situation en Tunisie et en Egypte, et les
manifestations de masse contre les inégalités aux Etats-Unis, en
Israël et dans divers pays d’Europe qui s’inspirent directement
de l’expérience des Indignés de la Puerta del Sol, eux-mêmes –
et la boucle est bouclée – réplique des occupations de places
publiques à Tunis et au Caire… Le « national » n’est
donc en aucune manière un retour en arrière par rapport à
l’ « international » (ou à l’« européen »
dans le cas du Vieux Continent). Loin de constituer un « repli »,
il en est au contraire la condition préalable.







On l’a dit, la démondialisation
est avant tout une orientation stratégique pouvant se traduire par
une série de mesures politiques pratiques. Son « carburant »
est l’exigence démocratique visant à récupérer la souveraineté
populaire dans le périmètre où elle peut s’exercer réellement.



Pour l’instant, ce périmètre
est seulement national. Il faut en exploiter toutes les
potentialités, en utilisant les failles ou faiblesses de
l’adversaire.




L’Union européenne est à cet
égard un espace privilégié pour toute démarche de
démondialisation. Pratiquement toutes ses politiques – qui font
d’elle un agent actif de la mondialisation libérale – doivent être
remises en cause : liberté de circulation des capitaux ;
libre-échange ; gestion de l’euro ; plans de
« sauvetage » ; statut de la Banque centrale
européenne ; paradis fiscaux, dumping social, fiscal et
écologique ; primauté de la concurrence, etc. Si la
trajectoire actuelle se prolonge, l’Europe est condamnée à
l’austérité à perpétuité, à l’explosion des inégalités et
de la précarité, à la dislocation accélérée du lien social et à
la poussée de l’extrême-droite et de la xénophobie.



Les libéraux n’ont aucun état
d’âme à ce sujet et ils ont déjà fait leur choix, avec comme
seul garde-fou la crainte de troubles sociaux majeurs. La
social-démocratie, qui n’a pas tiré les leçons de sa débâcle
en Grèce, au Portugal et en Espagne, semble malheureusement bien
partie pour faire le même chose en France. Les prochains mois nous
diront si une convergence est possible entre la minorité
« démondialisatrice » au sein du PS et la « gauche de
gauche » qui se retrouve majoritairement dans le Front de
gauche dont les deux principales composantes sont le Parti communiste
français et le Parti de gauche.


3rd Corean International Forum, Seoul, 29 novembre/2 décembre 2011































1 http://www.medelu.org/spip.php?article7&var_recherche=post%20altermondialisme


2 http://www.medelu.org/spip.php?article688&var_recherche=démondialisation


3 Lire
à ce sujet l’ouvrage très documenté de Gustave Massiah,
Une
stratégie altermondialiste
,
La Découverte, Paris, 2011.




4
Paradoxalement, l’altermondialisme conforte cette démarche. Il a
une présence « supranationale » très forte, en partie
grâce aux médias. Sa présence européenne (en dehors du réseau
des Attac d’Europe), elle, est marginale comme l’atteste le
déclin des Forums sociaux européens et le fait que le mouvement
des Indignés se développe en dehors d’elle. Et ne parlons pas du
niveau national : sur l’ensemble de la France, en janvier
2008, tout au plus 2 000 personnes ont participé à la Journée
mondiale de mobilisation et d’action convoquée par le Conseil
international du FSM. L’année précédente, José Bové, figure
emblématique du mouvement alter, avait obtenu 1,32 % des suffrages
à l’élection présidentielle…


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