Negociations et Traite de Paix
Selon le journal français Le Monde, qui a une réputation de sérieux, « la Corée du Nord (impossible de qualifier ce pays de République Populaire Démocratique de Corée, Etat membre des Nations Unies) défie les Etats-Unis et inquiète ses voisins » par des « rodomontades », le « chantage », des « éructations » et des « fanfaronnades » ! Et d’ajouter qu’on peut douter que Kim Jong-un, atteint de « bouffées paranoïaques », soit suffisamment rationnel pour ne pas utiliser l’arme nucléaire ! (Alain Frachon, Le Monde. 5 avril 2013).
Voilà plus de soixante ans que les médias et les politiciens français, dans le sillage des Etats-Unis, font tout pour discréditer les dirigeants successifs de la RPDC, ce petit pays victime de l’histoire au fil des décennies en raison de l’impérialisme des grandes puissances.
Il serait facile de dénoncer, au contraire, la paranoïa agressive des Etats-Unis depuis les Généraux Mac Arthur et Ridgway dans les années cinquante jusqu’aux autorités étasuniennes d’aujourd’hui : les Occidentaux ne supportent pas la volonté d’indépendance des Etats qui sont autant de pôles de résistance à une hégémonie se voulant messianique. Ce ne sont pas les souverainetés qui ont déchiré le XXe et le début du XXIe siècle, ce sont les empires, et en premier lieu l’empire étasunien, assisté de ses satellites européens.
La crise qui affecte la péninsule coréenne en 2013 n’en est qu’une de plus dans la longue série de menaces, d’ingérences et de sanctions dont est victime la RPDC ! Et systématiquement, l’Occident inverse les rôles : il organise des exercices militaires de grande ampleur dirigés contre la RPDC tout en violant son espace aérien et maritime mais accuse simultanément Pyong Yang de multiplier les provocations ! Ce « monde à l’envers » est typique des Occidentaux se croyant tout permis à travers le monde !
Comme à l’époque coloniale, ils veulent décider de tout dans tous les pays contre lesquels ils interviennent sans scrupules, renversant les gouvernements et s’alliant avec les mouvements et les Etats les plus archaïques et réactionnaires comme les Frères Musulmans, le Qatar, l’Arabie Saoudite, Bahreïn, etc. Tout en prétendant agir pour la « Démocratie » et les Droits de l’Homme !
Le maintien de la paix en Corée n’est pas menacé par la RPDC ; il l’est par la volonté étasunienne de conserver ses positions de force (en particulier une série de bases militaires) dans une région stratégique, au cœur d’un espace où coexistent le Japon, la Chine et la Russie. La petite Corée Populaire est le bouc-émissaire utile pour « légitimer » la présence américaine au cœur de l’Asie !
La force de dissuasion que possède désormais Pyong Yang et les capacités techniques et scientifiques dont la RPDC a su se doter, sont au contraire les outils de ce qui peut seul permettre le maintien de la paix, c’est-à-dire la négociation américano-coréenne.
Quel regret que de constater la nullité de la politique étrangère de l’Union Européenne face à cette crise et la quasi-inexistence d’une politique française de paix et de coopération en Asie !
Quel regret aussi d’observer que les forces politiques françaises les plus progressistes privilégient les problèmes franco-français, obsédées qu’elles sont d’électoralisme et frappées de crétinisme parlementaire : elles ont peur soit de s’ingérer dans « l’espace vital » américain soit de manifester une solidarité au peuple coréen par crainte de l’opinion, sans chercher à comprendre la signification des réactions d’un Etat et d’un peuple menacés !
Comment ne pas dénoncer, après plus d’un demi-siècle, l’indifférence vis-à-vis de la division du peuple coréen, comme si les problèmes humanitaires n’avaient pas d’existence dans une Asie si lointaine ! Se souvient-on encore des arguments développés pour l’Allemagne divisée ?
Comment un député de Paris, membre du P.S, a-t-il pu déclarer sur une chaîne publique (LCP) que le régime de Séoul avait tendance « à ouvrir les bras au Nord ! ». Cette stupidité, émanant d’un représentant de « gauche » du peuple français, qui témoigne de son analphabétisme profond, est celle malheureusement d’une partie de l’opinion victime de multiples manipulations médiatiques.
Ne savent-ils pas, ces médias malhonnêtes, que la RPDC souffre d’un embargo de plus de soixante ans de la part des puissances occidentales, freinant son développement et provoquant de multiples difficultés, y compris dans le domaine alimentaire ! L’hypocrisie occidentale est à son comble lorsqu’on dénonce les misères du peuple nord-coréen, alors que tout est fait pour l’étrangler et que la Chine n’assure vis-à-vis de son alliée, la RPDC, que le strict « service minimum » !
En 2013, on célèbre le quarantième anniversaire des Accords de Paris sur le Vietnam qui mettent fin aux opérations criminelles des Etats-Unis contre un peuple qui ne lui avait pourtant jamais posé de problèmes. Un traité de paix s’impose entre les Etats-Unis et la RPDC pour terminer légalement une guerre (1950-1953) qui a fait des millions de victimes et qui a détruit la plupart des villes du Nord. Le simple Accord d’Armistice de 1953, en effet, maintien un état de belligérance entre les parties, ce qui est une menace chronique pour les Coréens.
La RPDC et toute l’Asie ont besoin de paix : leur objectif fondamental est le développement et la mobilisation de toutes leurs ressources pour atteindre un stade économique et social supérieur.
Les Etats-Unis au contraire ont besoin de crise et de tension pour justifier leur stratégie, c’est-à-dire pour conserver les positions en Asie pour leurs seuls intérêts.
L’arme nucléaire nord-coréenne n’est pas la cause de la crise de 2013, elle est une conséquence d’une crise permanente dont est victime la RPDC !
L’union peuple-parti-armée qui règne au nord de la Corée est avant tout défensive. Elle est de même nature que « l’Union civico-militaire » qu’a organisée le Président Chavez au Venezuela pour se protéger des ingérences étasuniennes. Tout comme l’avait tenté, mais sans succès, le gouvernement Arbenz au Guatemala en 1954 ou celui du Pérou de Velasco Alvaredo.
C’est donc un dialogue que les Etats-Unis et la RPDC doivent entreprendre. Mais il ne peut plus se limiter à un bavardage sans résultats concrets : le respect de la souveraineté de la RPDC, sa liberté reconnue de procéder aux expérimentations scientifiques dans l’espace atmosphérique et la démilitarisation la plus large de la région sont des exigences légitimes.
La diplomatie de Pyong Yang veut atteindre un objectif élémentaire, c’est-à-dire un ensemble de garanties, pour assurer son existence. Les 24 millions de Nord-Coréens dont le budget militaire représente 1% de celui des Etats-Unis ne sont une menace pour personne. Ils constituent au contraire une force de paix en Asie et un acteur de la démocratisation de la société internationale, trop unipolaire pour favoriser le progrès. La planète a besoin « d’une séparation des pouvoirs » pour ne pas être soumise aux seuls intérêts d’un empire : d’ores et déjà, comme d’autres petits et moyens Etats, la RPDC constitue un contre-pouvoir positif pour les équilibres internationaux.
Les Etats-Unis et leurs alliés européens osent parfois invoquer le droit international : c’est le cas à l’encontre de la RPDC à propos du nucléaire. Le Traité de Non-Prolifération serait violé. En réalité, la RPDC, en toute légalité n’est plus membre du TNT et n’y est donc pas soumise. De plus, le TNT prévoit que les puissances dotées de l’arme nucléaire ont pour obligation d’engager des négociations pour se désarmer, ce qu’elles ne font pas. Par contre, elles utilisent de manière discriminatoire les autres dispositions du TNP prévoyant la non dissémination. Ainsi, certains Etats seraient d’une « qualité » suffisante pour conserver une arme nucléaire, tandis que d’autres, comme la RPDC, seraient dangereux et irresponsables. En quoi, Israël ou le Pakistan, par exemples, auraient une qualité équivalente à celle des grandes puissances ? Ne voit-on pas dans cette attitude occidentale le vieux racisme méprisant et l’hostilité traditionnelle à l’encontre des peuples du Sud, remontant à l’époque coloniale ? En sommes-nous encore aux Etats-Unis et en France aux distinctions entre peuples civilisés et peuples barbares ?
Le droit international, fortement violé par les grandes puissances, est de moins en moins opérationnel. L’Occident lui substitue une vague morale internationale, proche de celle du XIXe siècle. Ce sont les peuples et les petits Etats qui ont besoin du droit international. Il ne peut être un outil de progrès et de paix que s’ils s’en emparent. Le Traité de Paix que la RPDC s’efforce d’arracher aux Etats-Unis est un élément de la restauration de la place du droit en Asie et dans l’ensemble des relations internationales. Par-delà la bêtise, l’inculture et l’hostilité qui se manifestent en Occident, il est fondé de manifester une totale solidarité en faveur de ce traité et de la négociation qu’il implique sur la question coréenne. Sur la base des souverainetés, cette négociation peut progressivement s’élargir à tous les Etats concernés. Cette « provocation à la paix » que développe la RPDC est une chance pour parvenir enfin à une paix régionale définitive.
Robert Charvin
