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Genèse et implications de la loi de sécurité nationale

Genèse et implications de la loi de sécurité nationale

 
En tant qu’association de solidarité avec le peuple coréen dans la lutte pour la réunification de sa patrie, l’Association d’amitié franco-coréenne (AAFC), a été considérée par les autorités sud-coréennes non seulement comme subversive, mais aussi comme une organisation « anti-Etat », « favorable à l’ennemi », la République populaire démocratique de Corée (RPDC, Corée du Nord). A ce titre, bien que n’étant pas une association sud-coréenne, elle a été une cible de la loi de sécurité nationale (LSN), ce qui a justifié la mise en place d’un régime de contrôle par les services sud-coréens avec l’appui de leurs homologues français, en particulier une surveillance étendue des communications sous leurs différentes formes (par courrier, téléphone ou mél). Sur la base de ces informations, des tentatives d’intimidation et de déstabilisation ont été menées vis-à-vis de certains de ses dirigeants, notamment sur le plan professionnel. Les échanges avec des Sud-Coréens sont menés, sinon en secret, du moins de la manière la plus discrète possible, afin de ne pas exposer ceux qui souhaitent échanger avec l’AAFC, active dans des activités culturelles et artistiques qui ont peu à voir avec la politique. C’est donc à un double titre, au nom d’un principe de justice, mais aussi pour des raisons touchant à son histoire même, que l’Association d’amitié franco-coréenne ne peut qu’être un des fers de lance, en France, de l’abolition de la loi de sécurité nationale. Après un rapide rappel des origines de la LSN, il convient d’examiner quelles en sont les utilisations, ainsi que sa place dans l’arsenal juridique répressif des Etats se revendiquant de la démocratie parlementaire.

S’agissant de la nature de la loi de sécurité nationale, c’est un texte de circonstance, au libellé très large, pouvant s’adapter à de multiples situations.

Ce texte a été promulgué après le soulèvement en octobre 1948 d’unités militaires qui refusaient de réprimer les habitants de Jeju, opposés à la mise en place d’une chape de plomb dans le Sud de la Corée. La révolte des habitants de Jeju a causé des dizaines de milliers de morts, mais son souvenir a pratiquement disparu de l’histoire contemporaine, sous l’effet des très efficaces campagnes de communication de la droite sud-coréenne pour effacer jusqu’au souvenir du caractère ultra-autoritaire du régime Syngman Rhee, fondateur de la Corée du Sud.

Les dispositions sont plastiques, pouvant s’adapter à de nombreux cas. L’article premier définit le but de la loi : supprimer les activités anti-Etat. L’article 2 définit les groupes anti-Etat, comme cherchant à infiltrer l’Etat et à créer des situations de désordre. La majeure partie des articles (articles 3 et suivants) définit toute une gamme très complètes de sanctions, pour des infractions libellées en termes suffisamment larges pour permettre la répression de tout mouvement d’opposition. C’est une des raisons pour lesquelles les démocrates sud-coréens ont lutté de manière constante pour l’abrogation de la loi de sécurité nationale. Mais celle-ci, loin de disparaître, a donné lieu à une utilisation extensive depuis le retour au pouvoir à Séoul de la droite conservatrice du Président Lee Myung-bak : selon le Korea Policy Institute, le nombre de personnes mises en cause au titre de la LSN a bondi de 39 en 2007, à 151 en 2010.
 
S’agissant des utilisations, la LSN est déjà utilisée comme un outil pour déstabiliser les différentes oppositions, et pas seulement les oppositions radicales. L’affaire d’espionnage Wangjaesan, du nom d’une pseudo-organisation secrète pro-Corée du Nord dont l’existence même est en doute, en est une illustration : elle a servi à mettre en cause l’entourage de dirigeants du Parti démocrate, principale formation parlementaire d’opposition, qui a dénoncé l’utilisation de la LSN pour créer un climat de tensions.

La LSN est aussi un outil de répression pour imposer des points de vue, alors que les médias traditionnels, comme la presse, sont largement dominés par la droite. Quelques exemples récents, depuis 2008, sont fournis par l’affaire du bloggeur Minerve, accusé d’avoir délivré de fausses informations qui auraient déstabilisé l’économie sud-coréenne, ou encore la capacité du pouvoir à arrêter la très populaire émission de télévision Le carnet du producteur. S’agissant de cette émission, le réalisateur a été mis en cause pour avoir surinterprété des éléments concernant la transmission à l’homme de la maladie dite de la vache folle, au moment où des manifestations monstres protestaient contre la reprise des importations de bœuf américain, précisément en raison des inquiétudes sur la santé humaine.

Enfin, la LSN sert à couvrir les opérations de manipulation des services de renseignement. On l’a vu avec le dramatique naufrage du Cheonan, qui a causé la mort de 46 marins dans un contexte de manœuvres militaires : s’il est acquis que les preuves de l’implication de la Corée du Nord ne tiennent pas (la pièce à conviction, un élément de torpille avait été immergée des mois avant le naufrage), les enquêtes menées par des journalistes indépendants sur les vraies causes de cette catastrophe ont été passées au filtre de la LSN, en étant considérées comme étant de démarches favorisant la Corée du Nord. De même, on a assisté à la répression des militants pro-réunification de l’association Ponminryon pour des contacts pris des années plus tôt avec la Corée du Nord, avec l’autorisation du gouvernement sud-coréen comme l’exige la loi, afin de créer un climat de terreur et de déstabilisation des opposants – en utilisant des moyens ne respectant pas les propres termes de la législation sud-coréenne : mises sous écouter, lectures de correspondance, perquisitions et arrestations théoriquement limités à un objet défini, pour une période délimitée.

Pour l’usage qui en est fait, la loi de sécurité nationale est la cible de critiques régulières des organisations de défense des droits de l’homme, comme Amnesty International ou la Commission asiatique des droits de l’homme des Nations Unies. Invoquée pour des motifs n’ayant le plus souvent qu’un rapport très lointain avec la sécurité nationale, elle est un instrument de répression des opposants politiques.

Son caractère de loi d’exception est encore plus marqué si l’on considère les équivalents de la LSN dans les autres pays disposant de régimes de démocratie parlementaire, ou mettant en place des institutions s’inspirant du modèle occidental. 

En termes grossiers, la Corée du Sud contemporaine pourrait être comparée avec les Etats-Unis sous l’ère du maccarthysme. Mais les institutions sud-coréennes relèvent d’un parlementarisme inachevé : dans aucun pays d’Europe occidentale l’ordre du jour n’est modifié quelques minutes avant l’ouverture de la séance, et les députés d’opposition ne sont pas non plus empêchés de siéger. C’est pourtant ces procédés auxquels il a été recouru pour obtenir l’accord du Parlement sud-coréen lors de la ratification de l’accord de libre échange avec les Etats-Unis.

Aujourd’hui, en Egypte ou en Tunisie, les défenseurs des anciens régimes sont limités dans leur expression, et en principe interdits de se présenter aux élections. Mais les règles d’exception ainsi édictées, contestables d’ailleurs dans leur objet, sont en –deçà de la réalité sud-coréenne, où la LSN ne liste ni des activités précisés, ni des personnes nommément désignées. Toute contestation est en réalité susceptible d’entrer dans le champ d’application de la LSN.

L’exemple le plus proche, mais ponctuel, serait celui des jeunes Français de Tarnac, accusés sans preuves de sabotage de matériel ferroviaire, et mis en examen. Les méthodes utilisées sont celles de la LSN, mais l’affaire de Tarnac a suscité une profonde émotion en France par son caractère apparemment exceptionnel : tel n’est pas le cas de la LSN sud-coréenne, qui donne lieu à des utilisations très fréquentes, parfois cocasses, comme l’exemple de ce site de voyage britanniques, Koryo Tours, spéciqlisé dans les voyages on Corée du Nord; interdit un temps en Corée du Sud car il avait eu le malheur de reproduire des textes nord coréens tombant sous le coup de la LSN. En conclusion; la LSN apparaît comme un des fondements de la Corée du Sud depuis sa création en 1948 : à la différence de la Corée du Nord, la Corée du Sud n’a pas de réelle légitimité fondée sur la lutte anti-japonaise, les collaborateur des Japonais étant très vite devenus les proches du Président Syngman Rhee. La LSN révèle la nature de l’Etat sud-coréen, un Etat fondamentalement anticommunisme. 

C’est sur cet anticommunisme originel que s’est greffée une volonté de réprimer les actions divergentes. Tel est l’objet de la LSN, que tout démocrate doit combattre. C’est le sens des combats menés notamment par l’Association d’amitié franco-coréenne, pour faire connaître et exiger l’abrogation de cette loi. 

Benoît Quennedey
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