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Les forces progresistes en Amérique Latine: une grille de lecture

Les forces progresistes en Amérique Latine: une grille de lecture

Aujourd’hui, l’aggravation de la crise et la poursuite par les États-Unis de guerres au Moyen-Orient rappellent des faits importants :


1) La crise actuelle n’est pas seulement financière, mais systémique, aux dimensions multiples et liées ; il s’agit d’une crise structurelle du capitalisme, en tant que système mondial, et non pas uniquement de sa forme historique passagère dite « néo-libérale ».


2) L’impérialisme n’a pas disparu avec l’élection du président Obama. Expression et extension de la domination de la haute finance, l’impérialisme est indissociable des rapports de domination et d’exploitation que les puissances centrales du Nord continuent d’entretenir avec les périphéries du Sud (et de l’Est) au sein du système mondial capitaliste.


3) L’hégémonie des États-Unis, unipolaire, est mise en question. La conscience du caractère destructeur du capitalisme, devenu une menace pour l’humanité tout entière, se fait de plus en plus claire parmi les peuples. Mais à l’échelle mondiale, les forces progressistes prises dans leur ensemble restent encore assez largement sur la défensive.


Dans ces conditions historiques difficiles qui sont celles de ce début de XXIe siècle, l’Amérique latine offre l’image d’un continent où les peuples sont repassés à l’offensive. Cette remobilisation populaire a parfois permis d’enclencher des processus de transformation sociale qui peuvent être considérés comme d’authentiques « avancées révolutionnaires ». Après des décennies de dictatures d’extrême droite appuyées par les Etats-Unis (dont les victimes se chiffrent en centaines de milliers de morts), une démocratisation progressive des régimes a mis fin aux années de violence politique. L’ouverture d’espaces de liberté a rendu possible la réorganisation des forces de gauche, laquelle a conduit à l’accession au pouvoir, par vagues, de gouvernements progressistes. Les plus radicaux d’entre eux ont commencé à concrétiser les revendications de justice sociale portées par leur peuple.


Ont ainsi émergé ou resurgi, sur tout le continent, des mouvements populaires enracinés dans des luttes locales très diverses, articulées sur des revendications sociales très concrètes. Ils sont ainsi parvenus à mobiliser des secteurs de plus en plus larges des classes dominées : petit peuple des villes et pauvres des bidonvilles (travailleurs informels, précaires, chômeurs), travailleurs ruraux sans terre et petits paysans, fractions des petite et moyenne bourgeoisies paupérisées par le néo-libéralisme (y compris des fonctionnaires), mais également communautés indigènes, associations religieuses progressistes dans l’esprit de la théologie de la libération, militants pacifistes, féministes, écologistes, usagers des services publics… Le renforcement de ces luttes rend indispensable un internationalisme ferme, agissant, capable de mobiliser les peuples contre leurs ennemis communs.


Certaines organisations, d’orientation politique plus combative, défendent des programmes au contenu de classe ouvertement anti-systémique et révolutionnaire, et replacent au cœur du débat la reconstruction du projet socialiste. C’est le cas, entre autres, au Brésil, du MST ou Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra (Mouvement des Travailleurs ruraux sans Terre), l’un des groupes les plus nombreux et les mieux structurés du continent ou, au Mexique, des composantes radicales (néo-zapatistes) de l’initiative « L’Autre Campagne ». D’autres mouvements de masse sont apparus spontanément, sans leaders ni organisation, mais proches des réalités sociales de terrain et toujours au cœur des dynamiques de transformation. D’une manière ou d’une autre, ils sont fréquemment centrés sur le conflit capital-travail (comme les mobilisations de syndicats ouvriers ou paysans en Colombie, les barrages routiers de piqueteros ou les occupations d’entreprises pour une autogestion en Argentine), la défense des biens communs (pour l’eau en Bolivie, par exemple) ou le refus des bases militaires états-uniennes (comme en Équateur notamment).


Depuis la révolution sandiniste de juillet 1979, aucune avancée n’avait plus été observée. C’est à la fin des années 1990, avec l’élection d’Hugo Chávez à la présidence du Venezuela en 1998, que la remobilisation des mouvements populaires commença à obtenir des succès. La poussée des peuples a ainsi conduit au renversement de dirigeants soumis aux États-Unis, en Bolivie et en Équateur, puis en Argentine. Le rejet du néo-libéralisme a été déterminant dans l’accession à la présidence, par des élections, de leaders réformistes, comme au Brésil, en Argentine, au Chili. Ces victoires électorales n’ont pas permis de transformer la société, et des composantes de la « gauche » furent absorbées et collaborèrent avec l’impérialisme. Ajourd’hui, beaucoup de Latino-Américains savent ce qu’ils rejettent, mais ont des difficultés à esquisser les contours du futur – comme la plupart des forces progressistes dans le monde. Dans l’effervescence des luttes, l’appel à la mobilisation pour « le socialisme du XXIe siècle » – ou de « transitions socialistes dans les conditions du XXIe siècle » – fonctionne comme un puissant stimulant pour approfondir les processus révolutionnaires en cours.


Les avancées révolutionnaires réalisées en Amérique latine sont bien sûr toutes singulières. Si ces expériences convergent vers l’objectif du progrès social et de la participation populaire, elles sont menées dans des perspectives historiques, sur des trames culturelles et à l’intérieur d’espaces nationaux différents. Je proposerai ici une typologie permettant de classer les pays où se déroulent ces mobilisations populaires suivant deux critères : i) selon qu’elles sont ou non anticapitalistes, i.e. pour la remise en cause du capitalisme ou pas ; et ii) selon qu’elles sont anti-impérialistes ou non, pour ou contre des stratégies de développement renforçant la souveraineté nationale.


Dans ce cadre, quatre grandes catégories, aux frontières mouvantes, peuvent être repérées. La première concerne les avancées révolutionnaires latino-américaines les plus radicales, à la fois anti-capitalistes et anti-impérialistes, où les luttes pour l’émancipation socialiste et pour la libération nationale ont fusionné en une unité conceptuelle et politique, et par lesquelles les acquis sociaux et l’amélioration concrète des conditions de vie du peuple sont les plus solides. Cuba, avec sa révolution qui, malgré les difficultés, a le plus poussé la transition socialiste, entre dans cette catégorie. Le deuxième groupe réunit des pays où des processus importants, révolutionnaires, ont été mis en mouvement, plus récemment et en voie de consolidation, avec une orientation anti-impérialiste et en faveur du socialisme, mais qui ne sont parvenues pour l’instant qu’à s’attaquer à la forme néolibérale du capitalisme plus qu’à ses structures. Nous trouvons là, à des degrés divers et dans des conditions différentes, le Venezuela, la Bolivie et l’Équateur. D’autres gouvernements de gauche, à base populaire et avec un leader populaire, ont réalisé des progrès contre la pauvreté, mais très limités et sans affecter les causes de celle-ci, car la ligne néolibérale du capitalisme n’a pas été infléchie. C’est la troisième catégorie dans laquelle on trouve le Brésil, l’Argentine, le Chili (jusqu’en janvier 2010), l’Uruguay, le Guatemala, le Salvador, le Paraguay. D’autres formations sociales, quatrième groupe, voient monter les résistances populaires face à des régimes durs, qui restent de droite (Mexique, Pérou) ou d’extrême droite (Colombie et, depuis le coup d’État militaire de juin 2009, Honduras). L’héroïsme des luttes populaires dans ce dernier groupe de pays est à la mesure de la violence de la répression qu’elles souffrent. Mais l’opposition aux États-Unis est le principal facteur d’unité des peuples du continent.

Rémy HERRERA (CNRS, Paris, France)


Quelques références bibliographiques de l’auteur sur le sujet :

Herrera, R. (2010a), Les Avancées révolutionnaires en Amérique latine, Parangon, Lyon.

−(2010b), Un Autre Capitalisme n’est pas possible, Syllepse, Paris.

−(2008), « Amérique latine : réformes ou révolutions ? », La Pensée, n° 355, pp. 5-19, Paris.

−(2007a), ALBA, régionalisation alternative, rapport rédigé pour l’ONU, Commission des Droits de l’Homme, E/CN.4/2004/NGO/122, Genève.

−(2007b), « Secrets and Paradoxes of Che », Political Affairs, vol. 86, n° 5, pp. 38-43, New York.

− (ed.) (2006), Cuba révolutionnaire : économie et planification, L’Harmattan, Paris.

−(2005), « If I Had a Hammer: Hugo Chávez and the Bolivarian Revolution », Political Affairs, vol. 84, n° 11, pp. 36-43, décembre, New York.

−(2003a), The Effects of the U.S. Embargo against Cuba, rapport rédigé pour l’ONU, Sous-Commission sur la Protection et la Promotion des Droits de l’Homme, E/CN.4/Sub.2/2003/NGO/38, Genève.

−(2003b), « Idées reçues et vérité cachée sur Cuba », L’Humanité, Tribune libre, 29 septembre, Paris.

−(ed.) (2003c), Cuba révolutionnaire : histoire et culture, L’Harmattan, Paris.

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